Les cassures de coins sur les 10 cents 1940 pour l'Indochine
Les cassures de coins ne sont pas si fréquentes sur les monnaies postérieures à 1900 puisque les exemplaires frappés sont en principe retirés de la production (voir tout de même ce site pour des euros fautés). On sait néanmoins que la monnaie de Paris utilisait les coins jusqu'à la toute dernière limite comme en témoigne l'exemplaire d'un coin de 1924 vendu plus de 2.000 $ par Heritage Coins le 15 décembre 2006. Sur les photographies, le coin apparaît totalement usé et fendu au droit comme au revers (attention, il est nécessaire de s'enregistrer sur le site pour voir la photographie en haute définition).
C'est tout à fait par hasard, en regardant à la loupe un lot de monnaies communes d'Indochine que j'ai découvert une 10 cents 1940 magnétique avec cassure du coin. Plus curieux encore, ce sont finalement 5 monnaies de ce type et de ce millésime qui présentent des cassures de coin.
Sur une monnaie, une cassure de coin se traduit par un bourrelet de métal plus ou moins important lié au retrait du coin sur la zone de fracture. À la frappe, le flan ne sera pas écrasé sur cette zone laissant la trace de la cassure en relief sur la monnaie. La photo ci-dessous du droit d'une des 10 cents 1940 montre clairement le bourrelet de métal qui part du bord de la pièce et se prolonge dans le flan après avoir traversé le "E".
Plusieurs questions se posent à propos de ces cassures de coins en série. La première est de savoir pourquoi sur cette année précisément, il y a tant de monnaies en circulation avec des cassures de coin. Nous n'avons pas trouvé d'équivalent sur les millésimes 1939 magnétiques et non magnétiques, ni sur les 1941 frappées à San Francisco (ces dernières ont d'ailleurs été frappées à partir d'une matrice différente de celle utilisée à Paris). Certes, notre collection est loin de constituer un échantillon représentatif de la production. Il n'en reste pas moins que, pour l'instant, il semble que ce problème de cassure de coins n'affecte que les 10 cents au millésime de 1940. On est donc amené à s'interroger sur les raisons qui peuvent expliquer cette particularité.
Bien évidemment, la seconde guerre mondiale doit être à l'origine de ces difficultés. La cause peut se trouver dans le processus de production - qualité insuffisante des coins, alliage inadapté des flans ou défaut de la matrice (nous y reviendrons). Elle peut aussi se trouver dans le processus de contrôle des monnaies frappées, les ateliers n'ayant pas mis au rebus les monnaies fautées contrairement à l'habitude. Nous n'avons aucune information qui pourrait nous permettre de privilégier une explication ou une autre, et une seconde question se pose.
En effet, les cassures semblent se produire toujours au même endroit. Sur les 5 monnaies une seule présente une cassure au droit ; toutes sont marquées sur leur revers. Sur le revers justement, il y a chaque fois une cassure à 2 heures, au niveau du premier "A" de "Française". Trois monnaies portent en outre la trace d'une cassure à 7 heures, entre le bord de la pièce et le chiffre "10", deux étant encore plus abîmées avec une troisième cassure traduisant l'éclatement du coin "en étoile". On peut donc se demander s'il y a une "suite logique" dans ces cassures de coins.
En principe une cassure de coin ne se produit pas brusquement ; elle est progressive (voir la notule de CGB sur le sujet) et l'on doit pouvoir "suivre" la progression du mal sur un ensemble de monnaies.Vous trouverez en bas de cette page la reproduction de chacune des monnaies ainsi que des agrandissements des zones de cassure.
En examinant les 5 monnaies sous un fort grossissement les conclusions sont contradictoires. Certes, la monnaie est petite (20 mm) et les différences constatées sont infimes. Pourtant, au niveau du "A", chaque cassure suit un chemin légèrement différent. Nous ne serions donc pas en présence d'un seul coin cassé mais bien de plusieurs coins victimes d'un éclatement au même endroit. En revanche au niveau du "10" de la valeur il semble bien que l'on puisse établir une suite logique entre les monnaies n°5, 6 et 2.Tout se passe comme si une première cassure s'était produite au niveau du "1", d'abord ténue sur la monnaie 6 puis plus marquée sur la monnaie n°5, et qu'ensuite une seconde cassure se serait produite au niveau du "0", d'abord faiblement sur la monnaie 5 puis plus marquée sur la monnaie n°2. Sur cette dernière, la cassure au niveau du "1" a été comme rebouchée mais on distingue encore sa marque au bas du chiffre et sur l'arc au bord de la monnaie.
Tous les textes que nous avons pu consulter expliquent qu'on ne peut réparer un coin cassé ; on le jette. Or pour qu'il y ait une série entre les monnaies 6, 5 et 2, il faut supposer un rebouchage de la première fissure. Il faudrait également que la cassure constatée au niveau du "A" soit au moins identique ce qui n'est pas le cas.
La seule hypothèse que l'on peut avancer est que la cassure se soit produite au niveau de la matrice, qui aurait été réparée, avant d'être utilisée pour préparer un nouveau coin. On pourrait dans ce cas avoir une suite au niveau de certaines cassures liées à la matrice (au niveau du "10") tout en constatant des différences sur d'autres cassures (au niveau du "A" ou du "E"), imputables aux coins cette fois! C'est un peu tiré par les cheveux, certes, et dans cette hypothèse la Monnaie de Paris aurait vraiment était poursuivie par le sort!
Voici les limites d'une étude amateur ; nous constatons le défaut, mais sans être capable d'en expliquer la cause. Que les lecteurs de ce site n'hésitent pas à nous faire part de leur point de vue pour résoudre cette énigme qui peut au moins avoir le mérite de susciter un intérêt nouveau pour une monnaie habituellement délaissée.
Mise à Jour février 2008 : deux nouvelles monnaies
Le feuilleton des cassures de coins sur les 10 cents 1940 pour l'Indochine continue. Deux nouvelles monnaies viennent d'intégrer ma collection et l'on retrouve sur chaque exemplaire une cassure de coin. Sur la monnaie n° 9 la cassure est visible au droit au niveau du "E" de RépubliquE. Aucune autre monnaie de la série n'a de cassure identique à ce niveau. La monnaie n°10 est plus intéressante encore. En effet on retrouve une cassure au revers au niveau du "A" de FrAnçaise qui correspond à la cassure déjà identifiée sur la monnaie n°1 et à laquelle s'ajoute peut-être un début de cassure sur le "R" du même mot. Nous aurions donc deux exemplaires avec la même cassure. Si on veut tenter de donner une succession logique, la monnaie n°10 serait à placer avant la n°1 dont la cassure est plus profonde et la zone près du "R" comme usée ou abrasée.
En revanche, nous ne pouvons toujours pas expliquer la cause de ces multiples défauts de frappe sur cette série.
Cassure au revers sur le "A" de Française
En jaune, une marque très fine qui correspond à la cassure visible sur la monnaie n°6
Droit et revers sont identiques à ceux de la monnaie n°4, mais différents de ceux des autres exemplaires (décalage sur le motif et la légende).
Dégradation très importante du coin au revers.
Le "R" de Française est presque plat, les différents totalement empatés.
Trois cassures au revers, sur l'épi de droite, le "E" de Française avec en plus un enfoncement au niveau du "ENT" de Cent, une cassure sur le "1" de la valeur et une strie très fine sur le "0" de la valeur
Cassure au revers, sur le "A" de Française et début de cassure à la base du 10.
flan normal
Les coins ne correspondent pas à ceux des autres monnaies, ni pour le droit, ni pour le revers.
On note une cassure, également différente des autres, au niveau du "A" de Française.
flans normaux sans cassure.
Droit et revers sont identiques à ceux de la monnaie n°3, mais différents de ceux des autres exemplaires (décalage sur le motif et la légende).
Un agrandissement est disponible en cliquant sur chaque monnaie
Cassure au revers sur le "A" de Française et peut-être au niveau du "R" du même mot
Cassure au droit sur le "E" de République ; écrasement du bas du listel
